Daniel Woodrell, La mort du petit coeur.

Traduit de l'états-uniens par Franck Reichert

Rivages/Noir, 2002

Une histoire minimale, oedipienne, un jeune homme de 13 ans, sa mère très proche, et son père drogué, un type violent.
Et rien d'autres ou si peu. Et des liens qui se tissent entre les membres de cette famille.
L'auteur tient son thème, garde le ton jusqu'à la fin, il ne se passe rien d'extraordinaire, mais la violence peut exploser à tout moment, ce qui crée une tension permanente. Une ligne qui se brise. Un jeune homme entre un père qui le bat et sa mère qui le séduit, et des deux côtés il y a des risques. Entre l'amour incestueux pour la mère et la haine pour le père, il ne semble pas y avoir de solution.
On trouve peu d'explications psychologiques. Juste un univers familiale clos avec comme décor un cimetière où habitent les protagonistes, et un univers mental sans échappatoire.
Un style pas toujours léger mais qui tient la route.
Et des bizarreries, par exemple le narrateur qui imagine pour son futur cercueil une boite de conserve accroché à un mur, on trouve ainsi quelques passages courts qui n'ont pas grand chose à voir avec le reste mais qui surgissent de façon impromptu dans le récit et donne une ambiance insolite au livre.
Est-ce que ça finit bien ou mal ? Difficile de savoir. Cette incertitude laisse une fois le livre refermé des sensations diffuses. Une inquiétante étrangeté qui perdure.

 


 

 

Daniel Woodrell, Un hiver de glace.

Traduit de l'états-uniens par Franck Reichert

Rivages/Thriller, 2007

Une post adolescente qui doit s’occuper de ses deux petits frères et de sa mère folle part à la recherche de son père pendant un hiver rigoureux.
L’histoire est très simple, linéaire, on suit ce personnage de Ree, jeune femme qui a déjà pas mal vécu et qui lutte pour sauver ce qu’elle peut encore sauver. Ce personnage est très attachant dans sa détermination, sa volonté de s’en sortir face aux éléments, à une famille aux nombreuses ramifications et dont elle fait partie.
On plonge ainsi dans une Amérique qu’on imagine très profonde, dans un espace/temps intemporel où l’extérieur ne semble pas avoir de prise. Ça sent la terre, la neige, le sang, la merde, le corps est mis à l’épreuve, il hurle, se ferme, chie, pleure.

L’auteur joue sur l’animalité, comme un retour à un état sauvage, bien sûr cela vient d’une pauvreté importante mais il n’évite pas le naturalisme. Ainsi on a une impression d’immuabilité, cette famille dont l’histoire se répète, fait penser qu’il n’y a pas de solution, que la fatalité est plus forte, que ceux qui sont dans le marasme ne peuvent sortir de ce marasme, même si des éclairs de tendresse entre les personnages donnent un peu de lumière et d’espoir. Est-on politiquement plus près de l’inné que de l’acquis ?
Ecriture riche, forte, foisonnante, très travaillée, à l’écoute de la nature, très descriptive.
On sent un grand travail en amont, c’est très structuré, très pensé, dans la peinture des personnages, des lieux, de l’atmosphère, ça manque toujours un peu de trous, de mystères, mais force est de constater que ce professionnalisme donne à ce livre une grande puissance d’évocation. 

Baptiste