Jacques Vettier, Toutes les îles sont bleues

Collection Quatre-Bis, éditions Zulma.

Jacques Vettier est un auteur pétri de talent mais trop rare à mon goût aussi lorsqu'un de ses livres paraît, je me jette dessus en véritable affamé. L'action de son dernier ouvrage se passe dans les îles, les Antilles plus exactement, mais le lieu ne nous importe peu, car l'intrigue développée pourrait se passer se passer ici ou là, sans que cela ait une incidence quelconque sur le déroulement du récit.

Zab et Noémie ont été placées dans un centre social suite à des différents familiaux, euphémisme pour signifier quelles ont subi des violences sexuelles. Zab, pour Isabelle, est une révoltée dans l'âme et sait se débrouiller quel que soit le problème qui se pose à elle. Noémie est jeune et débarque dans un endroit hostile qu'elle ne maîtrise pas, par manque d'expérience. En butte aux quolibets, bizutages, brimades et persécutions de ses nouvelles condisciples, elle trouve en Zab une alliée cordiale mais secrète, familière et avenante tout en étant farouche et énigmatique à la fois. Zab prend Noémie sous sa coupe tout en vaquant à ses propres occupations qu'elle ne dévoile qu'avec réticence à sa nouvelle amie. Lorsqu'elle veut bien se confier, ce qui n'est pas une mince affaire. Prête à jouer du couteau, elle n'en est pas moins une gamine, délurée certes, mais fragile intérieurement, vulnérable sous une carapace de tortue. En apparence elle se veut vieux matelot ayant connu toutes les tempêtes, sur tous les océans. D'ailleurs, elle ne rêve que d'îles, bleues, comme désir d'évasion, de liberté, d'indépendance. Mais cette autonomie, elle tente de l'acquérir sans vraiment en connaître les conséquences, en jouant à la grande, elle qui n'est encore qu'une petite fille perdue. Ne sachant pas qu'elle entraîne peut-être à sa perte sa nouvelle amie dans une spirale, un tourbillon, un maelström.
Ce nouveau roman de Jacques Vettier met l'accent sur ces gamins, ces gamines, perdus, mis au ban de la société, par la faute d'une parentèle qui joue avec une progéniture, pas forcément désirée, au billard, au loto de la vie, s'en servant comme s'il s'agissait de poupées gonflables incapables de sentiment ou de rébellion. Un roman dur et doux à la fois, dans lequel l'humanisme de l'auteur se cache derrière la noirceur du texte. Un roman simple mais direct, possédant ses zones d'ombre mais sa petite lumière, celle d'une âme qui s'élève vers les cieux, comme en expiation de toutes les fautes ou à la recherche d'une vérité. Pas moralisateur, non, juste la relation de destins qui pourraient, à quelques différences près, espérons-le, se décider sur un coup de tête, sur un coup de cœur, un bleu à l'âme, une déception, une rancœur, une meurtrissure inguérissable.

Paul