Fred Vargas, Pars et reviens tard

Editions Viviane Hamy, 2001

Des messages étranges rappelant une époque ancienne parviennent à un crieur, des symboles médiévaux sont peints sur des portes, et les cadavres suivent… Le commissaire Adamsberg va peut-être devoir affronter un mal qui prend la forme de la peste et d'un inquiétant semeur.

Les personnages sont typés avec chacun sa part de bizarreries et de manies (le marin breton bourru en rupture, l'ancien instit' conseiller en choses de la vie, le commissaire qui marche à l'intuition et son collègue plus rationnel, l'ancienne prostitué noire, etc.), l'intrigue est bien emballée et nous fait faire des retours entre le passé et le présent (la Vargas' touch) d'une façon souple, l'écriture est élégante et discrète, le vocabulaire riche. Bref, un livre qu'on ne lâche pas avant de l'avoir finit… mais qui s'oublie dès la dernière page lue.
Difficile de ne pas reconnaître chez Vargas un savoir-faire (malgré quelques invraisemblances et facilités) : un sens du rythme, avec ses indices disséminés au fur et à mesure, et des retournements de situations qui font passer une intrigue somme toute banale. Difficile de nier son efficacité scène après scène qui en font un bon roman noir à lire avant de se coucher. Mais on sent le travail de formatage, on a l'impression de lire un exemple des bonnes recettes pour faire un roman noir qui plaira à tous (trouver un milieu original, bien caractériser les personnages, trouver une nouvelle arme du crime, etc.), il manque un regard, des distorsions, des écarts qui mettraient un peu d'étrangeté dans ce roman académique. Tout cela est propre, cadré, bien rangé, pas perturbant, normal que le journal Marie-Claire (voir quatrième de couverture) parmi d'autres, affirme s'intéresser à nouveau au polar grâce à Vargas, si ça peut leur permettre d'en lire d'autres plus personnels ensuite…
Pars et reviens tard est donc un roman agréable, il est juste dommage qu'avec son talent, Fred Vargas ne se mette pas plus en danger.

Baptiste

 

Fred Vargas , Sous les vents de Neptune

Editions Viviane Hamy, 2004

Si Sous les vents de Neptune est paru en début d’année, l’implication de Fred Vargas au côté de la défense de Cesare Battisti aura peut-être fait un peu d’ombre à ce livre très attendu, puisque le précédent avait déjà deux ans. Aussi il est un peu juste de revenir dessus, pour toutes ces raisons et également parce que nos lectures ne suivent pas forcément l’actualité, et qu’il n’y a pas de moments pour lire un bon livre.

Nous retrouvons donc ici le commissaire Adamsberg et son acolyte Danglard, plongés dans une enquête qui était bouclée mais dont le dénouement un peu trop simple et rapide semble suspect au commissaire, qui gratte encore un peu pour dénicher quelque chose. Une affaire qui le tourmente, jusqu’à ce qu’il sente qu’il sache pourquoi : elle raisonne dans son passé, et va l’amener à s’y confronter, en voyageant pour cela jusqu’au Canada, afin de remonter la piste d’un étrange tueur en série au modus operandi étrange. Les personnages semblaient déjà décalés et avec une certaine épaisseur réaliste, ici cela se confirme, puisqu’on a une nouvelle facette de leur personnalité : ils doutent, sont faillibles, animés par des motifs ni toujours neutres ou innocents. Les seconds couteaux ont un peu plus d’importance et de relief, que ce soit les collaborateurs d’Adamsberg (Danglard, Retancourt) ou Camille, qu’il aime mais dont il est séparé.
Est-ce parce qu’il ne s’agit pas d’une découverte, ayant lu les autres Vargas avant, ce qui fait que l’effet de surprise ne se produit pas, ou d’une lassitude, les tics et personnalités des personnages touchant moins au but ? Toujours est-il que la lecture de ce roman m’a laissé sur ma faim, un peu dépitée. Attention, non pas déçue par une quelconque faiblesse de la manière dont Vargas a choisi de nous transmettre cette histoire, mais plutôt chagrinée de ne pas avoir été aussi touchée que par la lecture des précédents. Peut-être parce que les personnages se montraient sous un jour différent, bien qu’ils restent empêtré dans leurs troubles et maladresses individuelles, qui les rend attachants et nous montre un peu de quoi nous sommes faits.
Vision toute personnelle de l’ouvrage, où la magie de la lecture a moins opéré, mais qui n’enlève rien à la capacité de l’auteur de nous emmener ailleurs, avec elle, dans ses histoires, ce qui est déjà une belle performance. Et qui n’ôte rien au plaisir de découvrir l’ensemble de ses écrits.

Séverine