Enquête
d’un père,
Olivier
Thiébaut.
Ed.
Après la lune, Coll. Lunes Blafardes.
Décidément,
Jean-Jacques Reboux nous réserve des surprises. Avec une production
éditoriale dense (un à deux titres par mois), il offre
aux lecteurs, un choix souvent d’une qualité supérieure
à la moyenne.
C’est encore le cas avec le dernier opus d’Olivier Thiébaut
: Enquête d’un père.
Un homme, en fin de trentaine, en but à divers tourments existentiels
(divorce, harcèlement de son ex-femme, tendance à l’alcoolisation,
boulot hasardeux...) et qui croyait en avoir fini une bonne fois pour
toutes avec un père, ancien braqueur, et officiellement mort,
voit ressurgir des fantômes du passé. Fantômes qui
ont pris la forme des deux anciens complices de son ex-père,
truand. Ils ont été trahis et ils sont TRES en colère.
Après une vingtaine d’années de prison, la colère
a eu le temps de se transformer en une haine aussi noire que viscérale.
Et ils sont tombés, après quelques recherches, sur Simon,
le fils du traître. Aussi sec, ils enlèvent Julien, le
fils du fils, en échange duquel ils ordonnent au fils (Simon)
de retrouver son père (le traître). C’est simple,
mais il faut suivre un minimum.
Et voilà Simon, affublé d’un père ressuscité
en traître, délesté de son fils adoré et
contraint de retrouver un vrai fantôme. Au cours de l’histoire,
vient s’adjoindre à lui, une flic qui va lui être
d’une grande aide. Et nous laissons au lecteur le soin de découvrir
pourquoi et comment.
Dans un style que Thiébaut maîtrise et affectionne depuis
ses premiers ouvrages : première personne un peu déjanté,
vocabulaire à la fois riche et familier et assez de nervosité
pour faire passer les quelques faiblesses du scénario, il nous
entraîne à la suite de Simon dans un road-book qui, géographiquement,
tourne en rond. C’est une idée assez agréable où
l’on s’aperçoit que le chemin le plus court pour
remonter son arbre généalogique et revenir à son
point de départ n’est pas forcément de tourner en
rond. Passons sur les épisodes de conduites interminables, sous
l’influence de divers alcools mais qui ne se soldent jamais par
des rencontres inopportunes (arbres, murs, maréchaussée...),
et intéressons nous donc au texte.
On perçoit les quelques faiblesses de scénario une fois
le livre achevé, car au long de la lecture, on est assez porté
par l’écriture et les péripéties pour ne
pas faire trop attention à ces invraisemblances. Thiébaut
boucle la quête de Simon avec l’aide de la flic qui connaît
un commissaire des RG qui travaillait à l’époque
sur la « disparition » du père de Simon. Même
si de telles coïncidences sont soutenues par des explications au
fil du texte, on reste un peu perplexe. Mais c’est aussi l’occasion
que l’auteur saisit pour nous délivrer une scène
de torture sans complaisance, ni effet hémoglobine dont on ne
sait plus à la fin si la victime est bien celle que l’on
croyait à l’ouverture.
De manière plus globale, mais toujours en restant collé
au texte, Thiébaut nous immisce au milieu d’une relation
en miroir où Simon est à la fois fils et père qui
est assez réussie. Simon, qui avait fait une croix sur son propre
père, et pour cause, il le croyait mort, le voit lui revenir
dessus à la vitesse d’un missile, pour exploser aussitôt.
Et ce retour semble lui redonner le goût de la paternité
envers son propre fils Julien dont l’amour deviendra le moteur
réel de sa détermination à retrouver son propre
père.
Un livre où les affreux ne sont pas si affreux que ça,
où les bons ont aussi de vraies faiblesses, de vraies failles
et un personnage principal qu’il est plaisant de suivre jusqu’au
dénouement. Bref, un bon petit moment de plaisir comme on aimerait
en lire plus souvent.
Eric.
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