Thierry Reboud, Un roman pour midinettes, scènes cruelles

L'écailler du Sud, 2002.

Un homme, Deogratias Martin, n'aime pas les enfants qui font du bruit, des mimiques, ça l'énerve alors il les tue. Ainsi peut-on résumer ce roman limpide et très drôle.

Ca commence rapidement et l'auteur arrive à relancer sans cesse le rythme de ce road movie d'une grande simplicité. Les personnages sont tracés avec richesse, en commençant par le " héros " ce tueur d'enfant tellement banal que personne ne le voit, ne peut faire son portrait robot, des idées astucieuses comme celle-là le livre en fourmille, comme cette scène hilarante entre Deogratias et un pédophile, ou ce road movie où le tueur ne cherche pas à fuir puisque il ne se sent pas coupable, en face de lui les flics qui vont suivre sa trace sont aussi très amusant dans leur désœuvrement. Bref c'est vivant, l'humour noir, grinçant, méchant et mal élevé de Thierry Reboud fait merveille, ça tape dans tous les sens, c'est parfois n'importe quoi. Le style est à l'avenant, une forme punk, on trouve de tout : jeux de mots, jeux avec les mots, utilisation d'expressions connues détournées, phrases alambiquées, vieilles argots et mots savants mélangés à des expressions plus modernes, de l'anglais écrit phonétiquement, digressions, adresses aux lecteurs, tout ça pourrait faire un pâté indigeste mais l'énergie de l'auteur transforme cette matière en un tourbillon, il semble se foutre de la grammaire, de la syntaxe comme de sa première chemise mais au final impose un style personnel fait d'un je-m'en-foutisme apparent.
Ce livre est une insulte aux intrigues bien ficelées, ce livre est une insulte au bon goût, ce livre est une insulte à la grammaire, ce livre est une insulte aux associations de protection de l'enfance, ce livre est un très bon livre. En ces temps de retour à un ordre morale bien pensant, " roman pour les midinette, scènes cruelles " fait du bien.
Même si le monde qui y est décrit en filigrane est un monde violent fait de petites vies grises et de grandes solitudes. La noirceur n'est jamais loin.

Baptiste

Thierry Reboud a aussi écrit une nouvelle dans Lyon : les gones en noir, Autrement, 2002.

 

Thierry Reboud, Un nain seul n'a pas de proches

Le Poulpe, Baleine, 1999

Le Poulpe enquête sur le meurtre d'un nain bosniaque. Aidé de militants antifascistes il se retrouve à devoir affronter des nationalistes serbes.
On retrouve les ingrédients du Poulpe, les repères : de méchants fascistes, de gentils gauchistes, le Poulpe en justicier… c'est documenté sur la Bosnie, le livre est bien construit. Un roman qui tient la route et qui ne brille pas par son originalité, mais est-ce le but quand on écrit un Poulpe ?
Le Poulpe dans ce livre paraît toujours freiné par ses alliés, il semble vouloir foncer mais est sans cesse bridé. Un peu comme Thierry Reboud ?

Baptiste