François Muratet, Le Pied-Rouge
Serpent Noir, 1999
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Sur une trame plutôt classique dans le roman noir français, qui décrit les milieux d'extrême gauche et les mercenaires d'extrême droite, Muratet écrit un roman ample et dense, très fouillé sur le mouvement mao, la guerre d'Algérie et ses tortures, avec au centre et décalé, un héros angoissé, aux fantasmes morbides, pourchassé par son passé qui sera le contenant, le réceptacle de la sale histoire française. Le roman a une structure géométrique, avec deux lignes placées aux extrêmes, un récit tranché par une ligne qui va du passé au présent ou du présent au passé, des parallèles qui se tracent entre l'histoire intime et l'Histoire, et on trouve Frédérique qui se cogne contre les lignes de ce cadre précis et va essayer de s'en sortir lui aussi par la géométrie rassurante du jeu de go. Il va croiser un nombre important de personnages, un flic qui le soutient, des hommes de la DST, etc. on pourrait s'y perdre, mais Muratet arrive à rendre la lecture limpide grâce à une écriture discrète et énergique, des phrases courtes, des dialogues qui sonnent justes et relancent l'intrigue, des trouvailles éclairantes comme ces passages du passé écrit au présent et ce présent écrit au passé qui donne cette impression que tout se mêle, que le présent est comme bloqué. Quelques passages un peu répétitifs sur les troubles du héros ne suffisent pas, loin de là, à affaiblir ce livre très tendu du début à la fin. Baptiste |
François Muratet, Stoppez les machines
Serpent Noir, 2001
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Baptiste : Un bandeau sur ce livre indique que c'est Le roman sur les 35 heures,
mais ce n'est pas que ça, c'est plus largement un roman qui prend
pour décor un conflit social dans une entreprise métallurgique
et qui utilise la lutte des classes comme moteur fictionnel pour une intrigue
policière avec ses crimes, ses vols, ses magouilles, ses agents
doubles. C'est un roman orienté politiquement, pas parce que son
héros serait d'extrême gauche ou libertaire mais parce qu'on
s'intéresse à un collectif, aux différents acteurs
d'un conflit dont la violence augmente selon les principes de l'aïkido,
c'est-à-dire de l'attaque - défense - contre-attaque, ça
fonctionne comme une spirale, avec les trois personnages principaux et
les autres membres de l'usine comme accélérateurs. Sarah : Stoppez les machines est un roman noir hors norme parce qu'il se coltine
le collectif. Il rompt (enfin!) avec les classiques du genre qui mettent
en scène cet éternel héros anti-héros opérant
avec les chaussures une justice individuelle. |