Stona Fitch, Sens interdits. traduction de Bernard Cohen.

Collection Noir chez Calmann-Lévy.

Livre dérangeant, à mon humble avis, mais qui pourra séduire car très réaliste, très visuel, très télévisuel même, choquant mais absolument prenant grâce à une narration rapide et intérieure : Sens interdits de Stona Fitch. Sens Interdit se veut voyeur et vous verrez pourquoi, mais ce que je ne comprends pas, peut-être suis-je bête, c'est cette petite ligne en quatrième de couverture : écrit avant le 11 septembre. De quelle année ? mains devant les yeux, les doigts écartés.

Le sujet n'est guère en rapport avec le 11 septembre 2001, alors ? l'action décrite aurait pu ou pourrait se passer avant ou après cette date fatidique sans pour cela remettre en cause les évènements qui ont su troubler un lectorat avide de sensationnel et de prémonitions. Eliott Gast est un économiste américain qui émarge dans une société favorable à la mondialisation. Il aurait même convoyé des fonds destinés à des hommes politiques qui n'auraient pas rechignés quant à la provenance des sommes ainsi distribuées. Quadragénaire marié, sans enfant, c'est un épicurien qui aime le bon vin, la campagne, les odeurs de terre mouillée nimbant sa ferme, les airs de Ravel, bref, quelqu'un qui utilise ses cinq sens avec jouissance. Il est enlevé à la sortie d'un repas dans un restaurant et est enfermé dans un appartement dont les fenêtres sont blanchies. Comme si ses ravisseurs pensaient pouvoir l'être eux-mêmes malgré ce coup d'éclat. Car pour un coup d'éclat, c'en est un . Eliott n'est pas un personnage important, même si il était suivi, traqué, espionné depuis des années. Non, c'est le traitement que lui réservent ses ravisseurs qui va servir de bourse d'échange. Il est machiavéliquement torturé, ses ravisseurs, un homme portant une fausse barbe, une jeune femme qu'il assimile à Anaïs Nin et un docteur, mais en est-ce bien un ?, qui lui coupent d'abord la langue afin de lui enlever le goût, puis lui brûlent les narines, afin de lui ôter l'odorat. Et ainsi de suite. Le tout étant retransmis en direct sur Internet, argent sonnant et trébuchant à la clé.
J'oscille entre le roman d'exception, qui ouvre une nouvelle voie, une nouvelle dimension dans le noir, et le roman de voyeurisme qui se singularise par une escalade dans l'horreur. J'ai aimé, presque fasciné et en même temps j'ai été submergé par une vague de dégoût envers cette complaisance décrite. Un peu comme les spectateurs de reality-show qui affirment que l'émission est mauvaise et continuent de regarder chaque semaine, les mains devant les yeux, les doigts écartés.

Paul