Caryl Ferey, Utu
Série Noire chez Gallimard, 2004.
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Tous ceux qui ont apprécié Haka, un des premiers ouvrages de Caryl Ferey, ont certainement retrouvé avec délice les mystères de la Nouvelle Zélande telle qu’il nous la conte. Bien que l’on retrouve cette île énigmatique ainsi que les coutumes et traditions maories (documentées avec sérieux, ce qui mérité d’être souligné), le personnage principal n’est plus Jack Fitzgerald mais Paul Osborne, flic qui a été son partenaire auparavant, et qui va poursuivre l’enquête que ce premier menait. Ainsi, si à la fin d’Haka nous avions quelques réponses, en terminant Utu la boucle est bouclée, et nous savons enfin pourquoi se perpétuent ces meurtres sanguinaires, à quoi sont destinés ces fémurs humains subtilisés aux victimes, comment se perpétuent les traditions maories, et si ces derniers et les descendants de colons pourront finalement s’entendre. |
En règle générale, il est difficile de faire une suite lorsque le premier ouvrage était marquant. Aussi on aurait pu penser que l’auteur allait un peu « refaire la même chose », et pourtant pas tellement. Si les deux personnages principaux traînent avec eux leurs douleurs et leurs peines, qu’ils noient tant bien que mal en usant et abusant d’alcool et de substances illicites, ils sont également à la fois dans l’obligation de faire face au passé, individuel et collectif. Si Fitzgerald, dans Haka, recherche sa femme et sa fille mystérieusement disparues, Osborne doit ici vivre avec le souvenir d’Hana, son amour d’enfance. Totalement rongés par ces tourments, les deux personnages ont en commun l’incapacité de se tourner vers les autres, sans être narcissiques ou égoïstes, le partage et la réciprocité avec l’entourage sont impossibles. C’est donc dans cette ambiance d’autodestruction que dans Utu Paul Osborne mène l’enquête. Les personnages ainsi les scènes importantes sont nombreux, le livre est épais, aussi l’auteur récapitule, et prend le soin de faire faire le point à son héros, comme s’il mettait tout en vrac sur la table pour nous aider à y voir plus clair. Ici personne n’est épargné, la bonne société de notable est dépeinte sans concession, mettant en lumière bien évidement les intérêts économiques et financiers à s’installer sur une terre, mais aussi la corruption de la police. C’est dans ce climat de défiance qu’Osborne évolue, ne pouvant se fier à personne, personnage dont le malheur agace, son obsession de la vérité et sa fragilité finissant par le rendre attachant. Séverine |