Jean-Paul Demure, Noir Rivage
Rivages/Noir, 2002
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Sur un thème pas très
original Jean-Paul Demure brode une histoire qui nous plonge dans une
noirceur crasse, une histoire dont le héros est un clochard qui
croise par malheur un cadavre, ce qui va l'emmener à rencontrer
une jeune bourgeoise qu'il va suivre, fasciné par elle. L'intrigue n'est pas très importante de toute façons, c'est le chemin et la voix de ses personnages qui intéressent Jean-Paul Demure. Le personnage de Max est touchant, tout d'une force brute, hésitant, ressemblant parfois à un paquet que l'on doit transporter, mais aussi ange protecteur. Le personnage de la bourgeoise est plus facile, moins intéressant, moins crédible dans sa descente dans la déchéance. |
Ce livre est une véritable
immersion dans le monde des clochards, un monde noir et cruel, jamais enjolivé,
complaisant ou misérabiliste, et encore plus dans la tête de
Max, dont la logorrhée accompagne tout le livre. Car c'est en cela
que ce livre est prenant, l'écriture de Demure est riche, c'est une
longue coulée, toujours crédible dans la bouche de ce clochard,
collage de sons, de différents niveaux de langage, une bouillie verbale
délirante, de longues phrases parfois à la limite du compréhensible,
des phrases toujours prêtes à se casser la gueule mais peu
importe l'auteur cherche à donner une sensation plutôt qu'un
sens. Par exemple : " On n'avait aucune raison de se tenir à
bord, encore moins d'avoir traversé cette grande merdasse bleue au
risque de réveiller le grouillement larvaire que les autres nomment
souvenirs, prêts à dévorer la bête toute vive,
aucune raison foutre non, l'homme n'a point de port, le temps n'a point
de rive, à part suivre en connard la splendide figure de proue, l'étoile
du matin et du soir, fière et lumineuse, essuyant les paquets de
chiennerie sans que jamais se voile l'éclat des yeux maritimes. Mais
bof. " Baptiste |