C'est un livre qui désarme la critique, puisque Bastid
prend un malin plaisir à la devancer.
Le début est très efficace, impressionnant, de même
la fin est surprenante, toutes les parties qui concernent la sortie du
livre sont amusantes, on trouve des clins d'œil (le personnage
principale appelé Jibé ou le Pouacre, en
référence à un célèbre auteur de
polar créateur du poulpe…), quelques piques
envoyées aux auteurs noirs en général, qui se
réfugient souvent dans un antifascisme consensuel… Donc
intéressant parce que Bastid n'est pas un débutant et ses
réflexions acides sur le genre sont plutôt
rafraîchissantes (voir les quelques lignes sur le Poulpe en
justicier social démocrate) même si on devine que de
nombreux éléments nous échappent au risque de la
Private Joke. Intéressant aussi la nonchalance de l'ensemble, le
héros est un type plutôt tranquille, un gagne petit et son
histoire d'amour avec une productrice de journaux féminins aux
dents longues sonne juste et tendre.
Où je suis plus réservé c'est sur l'intrigue
proprement dite, une histoire de crime raciste, d'affaire
immobilière véreuse, et de prostitutions de femmes de
l'est, tout cela n'est pas très originale, et comme l'auteur le
dit lui-même il tombe et refait ce qu'il dénonce (c'est
bien le problème on pense un truc négatif et hop un
personnage fait la même réserve), on se demande parfois si
tout ça n'est pas du foutage de gueule rigolard, si ce n'est pas
une démonstration où l'auteur fait le type même de
livre qu'il dénonce… Avec son justicier (même si
celui paraît un peu lymphatique), ses méchants fachos, son
héroïne mignonne et faussement naïve, ces roms avec
leur propres règles, cette scène d'amour à trois
pas du tout crédible, on est toujours à la limite de la
parodie, de même au niveau du style parfois très
écrit, parfois à la limite du cliché.
Alors soit Bastid est sérieux quand il déroule son
histoire qui manque singulièrement de piment et de rythme
(essentiellement des scènes de dialogues souvent trop
souligné…) soit il se moque de ça, mais on est
obligé parfois de se taper des pages et des pages mollassonnes.
Heureusement les allers-retours entre le présent et le
passé coule bien.
Et on trouve en plus une petite chronique bibliographique qui nous
éclaire sur l'auteur et nous confirme que c'est un livre qui
fait le bilan de la période néo polar française,
un bilan légèrement désabusé, critique mais
qui permet d'envisager un renouvellement.
Baptiste
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